Bon matin, Âmi.e ! « Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? »
N’as-tu pas, toi aussi, été l’otage de ce saisissement ?
La question, souvent jetée au détour des rencontres, agace. Elle exaspère, forçant la porte intime de son pied de banalité. Son creux ne dit rien, rase les murs avec son manteau gris, mais on sent qu’à la moindre occasion, il nous prendra par surprise. On pourrait l’excuser de n’être que banal, si ce travers prévisible n’avait pas aussi le pouvoir magique de nous titiller aux entournures. L’interrogation curieuse ennuie ou embarrasse.
« Que fais-tu dans la vie ? »
Pour museler la face de l’indélicat, il serait facile de répondre « Je fais de mon mieux. »
Stratégie des conversations météo.
« Et toi, tu fais quoi dans la vie ? »
Je tisse des vides fertiles avec mes bruits intérieurs.
Je... fée ou magicienne selon l'heure du jour, les couleurs de la nuit.
J'écoute l'au-delà des maux au creux de l'espace éloquent des silences.
Je pars et je reviens, je voyage au long cours, étonnée, chapeautée de soleil levant.
J'étire les souvenirs en horizon infini, j'aime respirer large comme le ciel ou l'océan.
Je fais de mes mains des symphonies de signes pour rencontrer l'autre dans nos contrées communes ou nos terres lointaines.
Je pleure d’être là, je ris d’être ici.
Je parfais et féconde de l’esprit, la matière.
Je me prends pour quelqu’un et ne suis plus personne.
Je tricote mes petits peu d'instants, mosaïques éphémères.
Je trébuche à l'amour qui s'invite, aux mots qui dansent la plume.
J'ouvre grand les portes et j'oublie toutes les clés. »
Et toi, Âmi.e, que fais-tu dans la vie ?
Cultive ton inspiration du jour... et la joie d'être toi !