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Le pardon, offrande à nos parts d'ombre

Nous avançons avec nos blessures invisibles, parfois fragilisés, parfois endurcis et camouflés sous une armure, les sentiments sous scellé. Soumis de façon invisible à des agglomérats radioactifs, nous sommes prisonniers de nos mémoires. Nous portons tous en nous des empreintes relationnelles douloureuses et sommes lestés, sans le savoir la plupart du temps.Jusqu’au moment où quelque chose craque. « Même pas mal ! » fanfaronne le cœur, endurant chevalier à l’armure rouillée.

Instinctivement, nous réagissons et soignons les blessures du corps, nous allons désinfecter la plaie, appliquer un pansement et après quelques bons soins, le corps va œuvrer à la guérison. Concernant les blessures émotionnelles, nous imaginons que tenter d’oublier devrait suffire… Glissées sous le tapis de notre sensibilité, elles vont continuer à rayonner en nous.

Oui, le cœur prend des coups lui aussi, il a été malmené et brisé bien souvent. Que faisons-nous pour lui ? Nous négligeons encore trop les blessures du cœur. En l'absence de pardon, le processus de guérison n'est pas achevé, la plaie a juste été tant bien que mal dissimulée, travestie derrière des histoires qu'on se raconte. Elle peut se mettre à saigner à tout moment. Tristesse, colère sourde, haine de soi, perte de sens, violence, addictions, manque d'énergie, maladies... Sans mise en lumière de nos espaces condamnés, à tout moment, le coup de trop peut venir rompre l’équilibre ténu et le noyau toxique déversera alors son venin, entraînant avec lui des atteintes de tout ordre. Pour soi et pour les autres.

Si nous ne sommes pas vigilants, les épreuves de la vie nous enferment dans nos certitudes, nous calfeutrent dans nos châteaux forts intérieurs, pont-levis relevé. Vouloir avoir raison à tout prix nous coupe de l’autre, de sa vision différente, de sa richesse aussi. Nous éloignant de l’autre, nous nous éloignons de nous-même, car c’est l’altérité qui nous propulse hors de nos évidences, nous décale et nous fait grandir. La vie ne cesse de nous éprouver, de nous bousculer et c’est un choix, une décision courageuse de garder le cœur ouvert, cela demande de régulières transmutations, un travail au creuset. Changer le plomb en or, les flèches offensantes en directions possibles, en opportunités de croissance. Toute expérience fertilise nos terres, et d’autant mieux qu’elle a le goût de l’épreuve, mais cette connaissance-là n’arrive qu’après, avec le recul, une fois que l’assimilation a eu lieu, que nous avons changé.

Il y a quelques années, j’ai participé à un Cercle de Pardon, un processus simple et profond qui aide à guérir le cœur, à combler les béances que les impasses relationnelles y ont laissées. C’est un rituel d’amour et de consolation que l’on s’offre et que l’on offre au monde. Le Cercle, on s’y découvre, on s’y réchauffe, on y rit, on y pleure, on y écoute le cœur qui bat et qui vibre à l’unisson de notre humanité captive de ses inconscients, malade de son manque de présence. La magie opère et le vivant fort et vulnérable de chacun.e réveille la tendresse. Comme dans le processus des constellations familiales, offrir son pardon, c’est voir et reconnaître, et par cette reconnaissance favoriser à nouveau la circulation de l’énergie d’amour. Nous sommes là, en cercle avec des inconnus, et au fur et à mesure des pardons donnés et reçus, ces inconnus deviennent des familiers, humains comme nous le sommes, maladroits et beaux comme nous le sommes. Des êtres sensibles. Dans chaque visage, dans chaque regard se reflète le visage des êtres que j’ai blessés, le visage de ceux qui m’ont blessée. Bouleversante expérience, étrange expérience de voir se dessiner l’héritage dont nous sommes faits et la résonance de nos vies humaines, singulières et pourtant si semblables. Le pardon est aussi une expérience corporelle. Les cellules nécrosées par la peur s'en trouvent vivifiées, quelque chose en nous s’apaise, se détend. C’est une ouverture nouvelle qui prend place, c’est comme l'éclosion d'un bouton de fleur. Délicat et puissant en même temps.

Contrairement à ce que l’on imagine, nul besoin d’attendre qu’un autre nous demande pardon pour que se défasse le nœud qui entrave le flux de vie. Car si l’amour ne circule plus en nous, à partir de nous, nous sommes les premiers à en être lésés, meurtris. Nous sommes privés de notre carburant vital et avec lui, de la joie. Alors, faire œuvre de pardon, c'est un cadeau, un réconfort que je m’accorde, c’est guérir mes blessures, soigner mon cœur, me libérer de l'étau de sentiments lourds, toxiques, de sentiments qui m’empoisonnent. Se pardonner à soi est indispensable et fait partie intégrante du processus de paix.

Pardonner permet de ne pas rester victime et de reprendre la direction de notre vie. Nous lâchons ainsi l’idée que l’autre a tout pouvoir sur nous et nous cessons de l’utiliser comme prétexte à des comportements réactionnels qui nourrissent la séparation et la guerre plutôt que l’ouverture et la compassion. Pardonner, ce n’est pas oublier ni excuser celui qui nous a fait du mal, ni même approuver son attitude, mais c’est pouvoir considérer l’ensemble de la situation avec discernement, percevoir qu’au-delà des formes, c’est un être blessé qui a perdu son lien à lui-même. On peut pardonner et ne pas laisser passer. Mon cœur pardonne, ma tête et mon corps vont décider ce qui est juste pour préserver mon équilibre, ma sérénité. Parfois, ma vie. Chacun.e sera mis face à ses responsabilités, car tout acte, toute parole a ses conséquences.

Le week-end prochain, je participe à un Atelier du Pardon, pour proposer à mon tour, à l’été sans doute, des Cercles de Pardon. Je vous en reparlerai.

Invitez la douceur le plus possible et soyez attentifs à vos parts blessées, glissées sous le tapis... Elles ont vraiment besoin de vous.

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